Bon anniversaire, commissariat !
Il aura fallu que cette année pourrie touche à sa fin, pour que je m'aperçoive d'un oubli dont la gravité, j'en ai bien conscience, me fait risquer l'exclusion temporaire, sinon définitive et sans appel.
A l'heure où les premières neiges ont déjà blanchi nos contrées respectives, où les enfants ouvrent fébrilement la première case de leur calendrier de l'Avent, je viens très humblement implorer votre pardon.
Mais je sais que je peux compter sur votre mansuétude, eu égard au fait que le 28 août, date anniversaire du jour historique qui nous occupe, j'avais, vous le savez, d'autres chats à fouetter.
C'était donc il y a dix ans et des bananes, et contrairement à ces jours-ci, il devait faire plutôt muy calor, à Sokodé, Togo, ex-AOF.
Il devait bien transpirer, le commissaire Boncâve. Et il devait bien se faire chier, dans sa maison de maître à Kpangalam, en face le garage à Kader. Sans doute ressentait-il un peu de lassitude, ou alors de découragement devant l'ampleur de la tâche à laquelle il avait lui même souhaité participer. Bref, c'était encore loin, le développement de l'Afrique.
Plus proche en revanche, malgré la distance, étaient ses amis, ceux qu'il avait connus dans la froideur des steppes de l'est de la France. Et il pensait à eux, à ces parties de rigolade, le soir dans les estaminets houblonnants de la capitale alsacienne de la lointaine Europe.
C'est cette nostalgie, autant que le manque d'activité, particlièrement anxiogène chez lui, qui l'entraînèrent probablement vers sa table de travail. C'était décidé, il allait donner un cadre à cette fumeuse idée d'une brigade de la déconne. La déconne, oui, mais une brigade, c'est aussi de la rigueur, de la discipline. C'était pas le tout, mais si on se donnait des grades, il allait bien falloir assumer le côté campeurs en camionette bleue.
Il n'y avait pas si longtemps qu'il avait quitté les bancs de l'université, et le droit, il en rêvait encore la nuit. "Non, Pas Zoller !" hurlait-il parfois en se réveillant trempé de sueur. N'empêche, elle avait bien travaillé la Zoller. Elle avait peut-être été un peu loin dans ses méthode de lavage de cerveau hérités du vietnam et de la Corée du nord, mais le résultat était là. L'esprit juridique aussi. En voici la preuve, avec ces documents originaux exceptionnels et d'une valeur inestimable. Ce n'est pas sans joie, ni sans une certaine émotion, que je prends la responsabilité de les rendre accessibles à tous les internautes de la planète (et ça fait du monde). Qu'ils en prennent de la graine.
On ne saura sans doute jamais avec certitude en combien de temps tu as pondu ça, ni combien d'heures officiellement travaillées tu as détournées, mais je le crie à la face du monde :
"Honneur à toi, commissaire Boncâve, et merci"