17 octobre 2005
Un peu, mon n'veu (flingué)
Tremblements de terre, grippe des volatiles, tsunamis, massacres proche-orientaux et balkaniques, et, par desssus tout, travail avec des femmes : la vie et l'ordinaire d'un journaliste ne sont pas toujours folichons.
Mais il y a parfois de ces instants de grâce, qui vous donnent envie de continuer, rien que pour être là quand ça arrive.
Ce lundi 17 octobre 2005 restera parmi ces jours que l'on n'oublie pas. Il était environ 17 H et j'errais comme une âme en peine dans les couloirs d'une radio de service public avec tout ce que l'ambiance de fainéantise et de médiocrité peut avoir de motivant. Bref, pour tout dire, je me faisais chier comme un rat, n'attendant qu'une chose : l'heure de mon dernier journal pour pouvoir débiter mon flot d'horreurs, gicler et enfourcher mon vélocipède pour, au prix d'un effort et de risques insensés, me pointer en sueur à la crèche avant d'aller jouer les papa-poule toute la soirée. Un beau programme.
C'est alors que j'aperçois furtivement une silhouette plutôt râblée, fatiguée, surmontée d'une tête affublée de lunettes et de cheveux blancs, rares, mais longs et coiffés en arrière.
Je l'ai reconnu tout de suite, ce bienfaiteur de l'humanité.
"Putain, mais c'est Lautner !", j'ai dit.
"Ah ouais", m' a confirmé l'un de mes compagnons d'infortune, qui bien que venant d'arriver, semblait déjà aussi harassé que moi.
Lautner, le réalisateur mythique, le dernier survivant des tontons, celui qui a tourné la scène de la cuisine. L'homme de "Ne nous fâchons pas", "laisse aller, c'est une valse", "Le pacha", le Guignolo" ou encore "Flic ou voyou". Personne n'avait franchement l'air de se rendre compte. Pendant une petite heure, ce mythe vivant allait être là, dans MON studio, seulement interrompu par MES infos.
J'ai pensé aux three kings, à ces larmes de rire, à Lino, à Maître Folace, aux Volfoni, et aussi à Michel Constantin, à Audiard, au commissariat, aux plus grands.
Je n'ai pas vraiment hésité. " Je sais que ça ne se fait pas chez les titulaires de la carte de presse, mais J'le fais quand même" j'ai annoncé. "Ouais vas-y" qu'y disaient tous.
J'ai volé une feuille de papier payée par le contribuable. Je l'ai pliée en deux. J'ai ramassé le texte de mon journal et je suis allé m'asseoir dans un silence religieux, à la même table que lui. A 17 h 30 00", le journal a commencé. J'ai expédié les titres dans une grande fébrilité, puis j'ai lancé un sujet sur la Turquie, où la terre venait de faire légèrement craquer ses vieux os.
Rien à secouer, des turcs et de leurs mini-tremblottes telluriques. On a fermé mon micro. J'ai rien écouté de ce que je diffusais. J'ai pris ma feuille A4, devenue A5 par la grâce d'un efficace pliage. "Excusez-moi, vous pourriez me donner un autographe", j'ai demandé timidement. L'attachée de presse qui était dans le studio a dit : "alors là, j'ai jamais vu ça". J'ai répondu du tac au tac "C'est normal. Je ne l'ai jamais fait". l'homme aux 43 films a souri en disant "bien sûr". Il a pris ma feuille.
Et la, Boum ! Le confrère qui l'interviewait a dit : "Attends, on va faire mieux que ça". Il a pris un exemplaire du livre de souvenirs que le maître venait présenter et il lui a tendu.
Lautner l'a pris, et là, tenez vous bien, accrochez-vous, il m'a dit "Vous vous appellez Guillaume, c'est ça ?" J'étais liquide de voir qu'il avait retenu mon prénom qui avait été prononcé au début du journal.
J'ai continué et il m'a écrit la petite dédicace personnalisée que vous pouvez lire un peu plus bas. J'ai continué et quant il a eu fini, tout en causant, j'ai levé mon pouce pour le remercier.
Quand j'ai eu terminé mon journal, je me suis levé et pendant la pub, je lui en ai serré 5. Je suis parti en me disant comme me l'écrivait récemment le Commissaire Boncâve : "La vie n'est pas qu'une sale chiennasse de sa race". ça s'est passé comme je vous l'écrit. Textuel.
L'adjudant bien, biengrâve
Publicité
Publicité
Commentaires
I
C